Je vais être honnête : pendant des années, je suis parti en surf trip comme si le monde était un terrain de jeu infini. Avion low-cost, combi en néoprène pétrochimique, wax toxique, location de caisse pour faire 5 km jusqu’au spot… Et puis j’ai commencé à compter mon empreinte, à discuter avec des locaux qui voyaient leurs plages se dégrader, leurs vagues se remplir de plastique, et je me suis demandé : est-ce qu’on peut encore voyager pour le surf sans flinguer l’océan qu’on aime tant ?
La bonne nouvelle, c’est que oui. On ne sera jamais parfait, mais on peut sérieusement limiter la casse. Dans cet article, je partage ma façon de planifier un surf trip le plus écoresponsable possible : du choix de la destination au matos, en passant par les bons réflexes sur place et quelques spots (presque) confidentiels pour vivre un trip plus clean… mais tout aussi fun.
Pourquoi penser “écoresponsable” quand on prépare un surf trip ?
Le surf a une image très “nature”, mais la réalité est un peu plus rugueuse :
- Les planches classiques sont en mousse polyuréthane ou polystyrène, résine polyester ou époxy : du pétrole, encore du pétrole.
- Les combinaisons néoprène standard sont ultra polluantes à produire et difficiles à recycler.
- Les surf trips en avion explosent notre bilan carbone.
- Les spots saturent, les villages côtiers se bétonnent, les déchets s’accumulent.
Penser “écoresponsable”, ce n’est pas se flageller. C’est juste accepter qu’un surf trip a un impact, et chercher à :
- Réduire ce qui peut l’être (transport, matos, déchets).
- Soutenir les bonnes personnes (shapers locaux, hébergements engagés, écoles écoresponsables).
- Respecter ce qui fait qu’un spot reste magique : l’océan, les locaux, l’ambiance.
Choisir la destination : plus proche, plus longtemps, plus cohérent
Le premier choix qui pèse lourd, c’est la destination. Je me pose systématiquement ces questions :
- Est-ce que je peux y aller sans avion ? Train, van partagé, covoiturage, bus de nuit… En Europe, on peut déjà se faire des trips monstrueux sans prendre l’avion : Bretagne, Vendée, Landes, Espagne, Portugal, Galice, Pays basque, Cantabrie…
- Si je prends l’avion, est-ce que j’y reste assez longtemps ? Un aller-retour d’un week-end pour 4 sessions, c’est difficile à défendre. Deux à trois semaines sur place, là ça commence à avoir du sens.
- Est-ce que la destination a une culture surf déjà saturée ou un équilibre délicat ? Certains villages sont à la limite du surtourisme : manque d’eau, poubelles débordées, conflits locaux/surfeurs. J’essaie désormais d’éviter les spots qu’on voit partout sur Instagram en pleine haute saison.
Quelques exemples de destinations plus “soft” mais incroyablement riches en vagues :
- Bretagne Nord : eau fraîche mais line-ups souvent plus calmes, ambiance roots, de jolies baies abritées. En train + covoiturage, c’est jouable sans prise de tête.
- Galice (Espagne) : une côte découpée, des criques, des pointbreaks moins bondés que dans le Pays basque. En van ou en train + bus, ça se fait très bien.
- Sud Portugal hors saison (Alentejo) : moins de monde que l’Algarve classique, villages plus authentiques, nombreuses plages encore assez sauvages.
Transport : limiter l’impact sans sacrifier le trip
Niveau transport, mon ordre de priorité est devenu assez simple :
- Train : le combo gagnant quand c’est possible. Certaines lignes acceptent facilement les boardbags (vérifie les conditions avant). Je privilégie les destinations accessibles en train de nuit ou en TGV + bus local.
- Van ou voiture partagée : si on est plusieurs, qu’on transporte du matos et qu’on reste longtemps sur place, le covoiturage prend du sens. L’astuce : remplir vraiment le véhicule et optimiser l’itinéraire (moins de sauts de puce quotidiens).
- Avion : je le garde pour les trips lointains que je rêvais de faire depuis longtemps, mais j’essaie de réduire la fréquence. Je choisis des vols directs dès que possible (moins d’émissions, moins de risques pour le matos) et je reste plus longtemps.
Une fois sur place, j’essaie d’adopter ces réflexes :
- Privilégier le vélo + surf rack pour les spots proches.
- Partager une voiture de location à plusieurs surfeurs, plutôt que trois voitures à moitié vides.
- Choisir un hébergement à distance “paddleable” ou facilement accessible à pied pour au moins un spot.
Hébergement : dormir sans détruire le paysage
Là aussi, on peut faire des choix plus ou moins cohérents :
- Campings écoresponsables : certains campings mettent en avant une vraie démarche (tri, économies d’eau, énergies renouvelables). Quand je peux, je pose la tente ou je gare le van là-bas.
- Guesthouses et surfhouses locales : je préfère les petites structures tenues par des locaux plutôt que les gros resorts. On soutient l’économie du coin et souvent, on récolte des infos précieuses sur les spots dans la foulée.
- Éviter les hébergements construits directement sur le front de mer quand ils grignotent clairement le littoral ou remplacent des espaces naturels.
Un petit détail qui compte : vérifier si l’hébergement a des actions simples mais révélatrices (fontaine à eau plutôt que bouteilles plastiques, tri, explications pour économiser l’eau, partenariats locaux…). Ça en dit long sur l’état d’esprit du lieu.
Choisir un matos plus propre : boards, combi, wax & co
On ne va pas se mentir : aucun matos de surf n’est 100 % clean. Mais certains choix sont nettement moins pires que d’autres.
Planches de surf : mieux choisir, mieux entretenir
Je regarde désormais :
- Les matériaux : certains shapers travaillent avec des mousses recyclées, des résines bio-sourcées, du lin ou du bois. C’est souvent un poil plus cher, mais c’est aussi plus durable.
- Le shaper local : faire bosser un artisan du coin plutôt qu’une usine à l’autre bout du monde, c’est déjà un gros pas. Souvent, on gagne en qualité et en ajustement du shape au type de vagues du spot.
- L’occasion : une bonne board d’occasion, réparée proprement, reste l’un des meilleurs choix écologiques et économiques. Je surveille les shops locaux, les groupes dédiés, les corners “used boards” dans les surfshops.
Et surtout, j’arrête la frénésie : mieux vaut 2 ou 3 planches bien choisies, entretenues et réparées, que 7 planches chinoises mal fichues qui finissent en décharge.
Combinaisons : sortir du tout-néoprène pétrolier
Pour les combis, je regarde :
- Les matériaux alternatifs : Yulex (caoutchouc naturel), néoprène limestone ou recyclé. Ce n’est pas parfait, mais largement mieux que le néoprène classique.
- La durabilité : coutures solides, néoprène bien dense, renforts aux zones sensibles. Une combi qui tient 4-5 saisons plutôt que 2, c’est déjà un gain énorme.
- La réparation : certains shops ou marques proposent un service de réparation. Je préfère investir dans une marque qui encourage ça plutôt que de pousser à racheter tous les deux ans.
Les petits détails qui changent tout : wax, leash, boardbag
Sur ma checklist, j’ai désormais :
- Wax écoresponsable : sans dérivés pétroliers ni additifs toxiques, de préférence locale. Il y a aujourd’hui de très bonnes marques en Europe.
- Leash costaud et réparable : mieux vaut un leash un peu plus cher, modulable (corde, strap remplaçables) qu’on ne jette pas au premier pet.
- Boardbag solide : surtout si avion. Un bon boardbag permet de garder la même planche plusieurs années, au lieu de la casser en soute à chaque trip.
Sur place : respecter les spots, les gens et l’eau
Une fois sur place, c’est souvent là que tout se joue. Je me fixe quelques règles simples :
- Réduire le plastique : gourde réutilisable, tote bag pour éviter les sacs, savon solide, filtre à eau portable dans certains pays.
- Éviter les produits solaires toxiques : je prends désormais des crèmes minérales, sans oxybenzone ni octinoxate, en stick ou en tube recyclable. L’océan n’a pas besoin d’une pellicule chimique en plus.
- Respecter les spots et les locaux : pas de géolocalisation précise sur les réseaux pour les vagues “semi-secrètes”, priorité aux locaux au pic, pas de rame en travers de tout le monde pour choper la bombe du jour.
- Laisser la plage plus propre qu’à l’arrivée : je remplis au moins un petit sac de déchets à chaque session. C’est ultra simple et contagieux quand d’autres te voient faire.
Bons plans & spots (presque) confidentiels pour un trip plus responsable
Sans balancer des coordonnées GPS ultra précises, je peux te donner quelques pistes cohérentes quand on cherche à allier vagues, ambiance plus tranquille et impact réduit :
- Côte nord de la Galice : une succession de baies orientées différemment, ce qui permet d’éviter le vent ou de trouver un peu de taille quand c’est petit. Hors été, c’est souvent très calme.
- Alentejo portugais : en rangeant un peu les guides classiques et en discutant avec les locaux (shapers, cafés, petits surfshops), on découvre des plages avec de jolies gauches et droites peu fréquentées, surtout hors juillet-août.
- Finistère : quelques plages bien connues, mais aussi des replis moins médiatisés. En restant discret, en se garant correctement et en respectant les habitudes locales, on est généralement bien accueilli.
- Canaries hors vacances scolaires : certains villages ont une vraie dynamique écoresponsable, avec écoles de surf engagées, hébergements low-impact et line-ups beaucoup plus respirables en dehors des pics de fréquentation.
Dans tous les cas, je privilégie :
- Les surfshops indépendants, qui connaissent le coin mieux que quiconque.
- Les shapers locaux pour une réparation ou une nouvelle board adaptée aux vagues du secteur.
- Les cafés et restos de village plutôt que les grosses chaînes en bord de route.
Ma checklist perso pour un surf trip plus écoresponsable
Avant de partir, je fais un rapide check :
- Destination accessible sans avion ou, si avion, pour un séjour suffisamment long.
- Hébergement local ou structure engagée (camping éco, guesthouse, surfhouse responsable).
- Matos optimisé : pas de surconsommation, réparation avant remplacement.
- Wax, solaire, produits d’hygiène et entretien choisis avec un minimum de critères environnementaux.
- Gourde, sacs réutilisables, petit kit “zéro déchet” de base.
- Engagement perso : ramasser des déchets sur la plage, respecter le spot et ceux qui y vivent.
Parce qu’au final, un surf trip écoresponsable, ce n’est pas un trip où l’on se prive. C’est un voyage où l’on surfe mieux, où l’on prend le temps, où l’on se connecte vraiment à l’endroit plutôt que de cocher des cases sur une to-do list de spots “mythiques”. Et souvent, c’est là que naissent les meilleurs souvenirs.
